Être maraudeur Croix Rouge à Ouistreham



Bonjour lecteurs et lectrices. Je suis Mathilde, bénévole à la Croix Rouge sur l’Unité locale de Caen

depuis un an. Aujourd’hui j’ai eu envie de prendre la plume avec l’ensemble de l’équipe bénévole pour

vous présenter la maraude de Ouistreham. Et les humains qui s’y rencontrent. Pour simplement

connaitre ce qui s’y joue, ou pour un jour enfiler le manteau rouge à votre tour… Nous vous

souhaitons une bonne lecture !






La Croix Rouge intervient en coordination avec d’autres associations auprès des personnes en exil à

Ouistreham depuis 2018. Chaque association apporte une aide spécifique : alimentaire, hygiène,

soins, lien social… Nous intervenons pour notre part sur ce dernier point.

La démarche « Aller vers » de la Croix Rouge consiste en effet à aller au contact des personnes sur

place pour créer du lien social via l’accueil, l’écoute et l’orientation. Nous créons pour cela un

moment de convivialité autour d’un goûter et de jeux afin de rompre l’isolement. Nous

proposons également la possibilité de recharger les téléphones portables et de passer un coup de fil

à l’étranger. Nous dépannons parfois de quelques produits d’hygiène, vestimentaires ou alimentaires

selon les dons que nous recevons. Enfin nous mettons à disposition des documents informatifs en

plusieurs langues et sensibilisons une fois par trimestre aux gestes de premiers secours.





Les maraudes à Ouistreham ont lieu deux soirs par semaine, toute l’année. Comme pour toutes

maraudes, l’équipe est composée d’un référent et d’équipiers. Ainsi que d’un camion dédié

spécifiquement à cette maraude. Les inscriptions se font sur la base du volontariat.

Référent et équipiers chargent le camion au dépôt : goûter, jeux, chargeurs, un peu d’hygiène pour

dépanner, ballon de foot… Les nouveaux bénévoles sont accueillis, le fonctionnement leur est

expliqué. L’équipe quitte le dépôt pour se rendre à Ouistreham où ils resteront une heure et demie.

Installation des tables, tonnelles, goûter et jeux…. Puis chaque bénévole va vers ce qui lui plait : jouer

à un jeu de société, ravitailler le goûter, faire passer le téléphone, discuter…. Il n’y a pas de postes

attribués, chacun veille au bon fonctionnement de la maraude.

En fin de maraude les garçons nous aident souvent à remballer le matériel. Un débriefing a lieu sur

place ou au dépôt. Le référent transmet les observations du jour au coordinateur. L’équipe range le

matériel et nettoie le camion.



La plupart les appelle « les migrants » mais ce terme ne fait pas consensus au sein de l’équipe. Les

personnes en exil présentes à Ouistreham sont des garçons de 15 à 30 ans venant seuls du Soudan,

au contexte géopolitique actuellement compliqué. Après un parcours migratoire difficile, ils arrivent

ici avec l’espoir de traverser la Manche et rejoindre l’Angleterre. A Ouistreham ils vivent dans des

conditions particulièrement insalubres, sur un camp composé de tentes. Pendant 5 ans le camp ne

bénéficiait pas de point d’eau... Un robinet est finalement arrivé l’été 2023, des sanitaires ont suivi à

l’automne.

Le nombre de garçons rencontrés diffère d’une maraude à l’autre. Il peut être impressionnant

notamment à l’arrivée sur place, demandant une organisation rigoureuse de notre part pour

répondre autant que possible aux besoins de chacun. Mais plus qu’un nombre ou une nationalité

vous constaterez en venant marauder à Ouistreham que l’on rencontre avant tout des personnes,

tous doté d’une personnalité. M. est imbattable au Puissance 4. J. est plutôt timide et préfère s’isoler

après nous avoir salué. M. et A. adorent les exercices de français laissés à disposition et nous

sollicitent pour la prononciation des mots. F. lui a préféré sauter sur le ballon de foot dès notre

arrivée. Etc !

Il est bien sur difficile voire impossible pour un bénévole de connaitre et reconnaitre tout le monde,

les garçons étant nombreux avec un turn over important. Ce n’est pas grave. L’essentiel est d’avoir

en tête qu’il y a en face de nous des personnes, toutes singulières. Considérons-les comme cela.



Tous les bénévoles de la Croix Rouge signent la Charte des Bénévoles reprenant les 7 principes

fondateurs (https://www.croix-rouge.fr/notre-mouvement-international/7-principes-fondateurs)

dont l’impartialité et la neutralité.

Partager ces valeurs fondamentales est essentiel pour être à l’aise sur une maraude dans le respect

des bénéficiaires, des bénévoles et de soi-même. Cela est d’autant plus vrai à Ouistreham.

Cependant cette maraude touche un public spécifique, et il faut avoir quelques prérogatives en tête.

D’abord ne pas craindre la barrière de la langue. Les jeunes présents à Ouistreham sont originaires

du Soudan et la plupart ne parle pas français. Quelques-uns parlent anglais, mais pas tous. Tout

comme les bénévoles d’ailleurs ! Au début cela peut être frustrant de ne pas pouvoir converser. Nous

avons une application de traduction vocale sur un téléphone dédié à la maraude. Merci la

technologie ! Dans les faits nous l’utilisons peu car il n’y a pas besoin de parler la même langue pour

partager un café ou jouer aux dominos. C’est d’ailleurs ce qui surprend souvent les nouveaux

bénévoles : « on peut passer un moment convivial sans se comprendre ! ». Le jeu, le café, le sourire

et la convivialité font partie d’un langage universel.


« La question de l’exil de ces jeunes soudanais m’a souvent préoccupée, et étant bénévole à la
Croix Rouge sur les maraudes fixes et mobiles depuis 3 ans, j’ai eu envie de m’impliquer également
sur la maraude Ouistreham.
Je me suis sentie à l’aise en arrivant sur le camp de Ouistreham, les jeunes étaient plutôt
accueillants, et souriants, contents de nous voir arriver pour leur donner boissons et gâteaux. Il est
vrai que la barrière de la langue peut être un frein, mais un regard, un sourire, et leur visage
s’illumine. Participer à un jeu facilite également le contact.
Leurs conditions de vie sont vraiment précaires et insalubres, c’est ce qui m’a le plus touchée, mais
je pense que la chaleur humaine que nous leur apportons chaque mardi et vendredi est un moment
de réconfort pour eux. C’est une mission que je vais continuer à faire aussi souvent que je le
pourrais » Catherine, bénévole Croix Rouge 



Pour venir marauder avec la Croix Rouge à Ouistreham il est également important d’être ouvert à la

différence de culture. Si beaucoup apprécie apprendre de nous (nous réclamant des exercices de

français) ils aiment également partager avec nous. En période de Ramadan il arrive par exemple que

les garçons nous proposent de goûter leur repas. Il n’y a bien sûr pas d’obligation. Pour autant, et

bien qu’ils aient peu, cela leur tient à cœur. Il s’avère qu’en France la gastronomie soudanaise n’est

pas connue. Ce temps de partage est un moment fort de l’année pour tout le monde.

Avoir une posture d’égal à égal est également nécessaire. Les propos racistes n’ont évidemment pas

leur place ici. De même que les attitudes paternalistes ou infantilisantes. Nous ne sommes pas des

sauveurs. Nous sommes des bénévoles qui venons offrir un moment convivial à des personnes dans

le besoin. D’égal à égal. Nous ne questionnons jamais leur histoire ou leurs raisons d’être ici.


« Si je fais des maraudes (fixes, sur roues, étudiantes, Ouistreham) depuis des années maintenant,
c'est par souci d'humanité, de solidarité, de fraternité, d'altérité… bref de citoyenneté tout
simplement. » Michel, bénévole Croix Rouge


Enfin comme pour toutes les maraudes de la Croix Rouge, avoir un esprit d’équipe est primordial.

Cette maraude ne peut pas fonctionner seule ! Le temps de débriefing est particulièrement

important afin que chacun puisse exprimer son ressenti ou ses idées. Il est normal de ressortir d’une

maraude avec un sentiment d’impuissance ou d’injustice en voyant tous ces garçons vivre dehors

quelle que soit la météo. Leurs conditions de vie sont particulièrement difficiles et nous sommes en

première ligne pour le constater. Il nous arrive parfois de croiser un rat, ou de voir leur réserve de

nourriture vide. De repartir dans le froid, sachant qu’on laisse les personnes dehors. De se sentir

impuissant face à leur nombre. Rentrer chez soi avec cela peut être difficile. Les référents sont là

pour accueillir avec vous ces coups de blues et vous aider à les surmonter. Tout bénévole maraudeur

vit cela au moins une fois.

Heureusement le sentiment d’être utile se fait plus fort, et la majorité du temps nous repartons avec

le sourire. Le nôtre et celui des garçons. Car lors de la maraude de Ouistreham vous verrez avant tout

des rires, des parties de dés endiablés, de la musique et des cœurs réchauffés. Un bon moment

partagé.

C’est la raison qui nous pousse à continuer d’enfiler le manteau rouge quelle que soit la météo.

Si ce témoignage vous parle, que vous vous reconnaissez dans les valeurs de la Croix Rouge, et avez

du temps disponible, c’est avec plaisir que nous vous accueillerons dans nos rangs.

Si cet article vous a été utile, n’hésitez pas à le partager autour de vous. Pour toutes questions sur

la maraude de Ouistreham et Le Dispositif de Soutien aux personnes en Exil à Ouistreham (DSEO)

contactez-nous : https://calvados.croix-rouge.fr/


Ecrit par : Mathilde Stella


Dessin d'une personne rencontrée par la maraude Ouistréham.