Le 15 novembre dernier a eu lieu les "Pas de So". Depuis 9 ans, l'association "Sur Les Pas de So" milite pour des sujets de société liés à la santé. Leur mission : Marcher pour médiatiser ces sujets et récolter des fonds. L'année dernière, se fût la santé mentale qui a été mise à l'honneur. Après 4 randonnées sur les routes des différents départements normands, c'est le Calvados qui a fermé la marche à Hérouville Saint Clair le 15 novembre dernier.
Pour l'occasion Chloé Cognard, psychologue du Service de Réhabilitation de l'EPSM, a récolté quelques paroles des personnes qui ont participé à la marche. Nous sommes heureux de vous partager ces interviews.
Merci à ceux qui ont témoigné ainsi qu'à Sophie des Pa de So et à Chloé pour l'écrit de ces textes.
Vendredi 15 Novembre – 8h30 – Hérouville Saint-Clair
Un premier pas me porte en dehors de ma voiture pour rejoindre le pôle animation et jeunesse de la ville, lieu de départ de la randonnée, en ce matin nuageux et automnal.
Quelques personnes arrivent en même temps. Je me laisse guider par ce flux puis par l’une des bénévoles de l’association qui nous accueille avec son sourire. Une première pause dans une salle où l’effluve de café contribue à me sortir de mon brouillard matinal. Une tasse d’avalée, le brouhaha des conversations autour de moi… Un visage connu, c’est un autre pas pour aller vers elle. Moment particulier que peuvent être ces temps sociaux informels où chacun échange de tout et de rien en attendant la suite… Moment suspendu…
Et puis ? Et puis, quelques nouveaux pas et nous arrivons dans une grande salle où peu à peu nous formons un grand cercle autour de l’intervenante du yoga du rire. Je suis à la fois intriguée, curieuse, peut être aussi un peu inquiète. Que va-t-on me demander de faire ? Gêne, rires, surprise et partages. Les barrières sociales tombent. Ces rires forcés qui me dérangent au début me poussent aussi à sortir de ma zone de confort. Juste être là avec les autres, et partager cette expérience peu commune.
Encore quelques pas, et nous voilà dehors. Je retrouve Salomé qui m’a été présentée quelques temps auparavant, dans la petite salle au café. Je lui explique que je souhaite profiter de ce temps de marche pour interviewer les personnes que je rencontre sur la question de la santé mentale. Elle accepte de m’aider.
Pas après pas je rencontre des personnes de l’asso, des citoyens, des soignants, des personnes concernées par un trouble psychique et qui sais-je encore. Finalement peu importe, car nous sommes tous concernés par ce sujet, et aujourd’hui c’est cela qui nous rassemble.
Interview de Salomé
Ma première question pour toi, c’est : quand je te dis le mot santé mentale, qu’est-ce que ça t’évoque ?”
Pour moi la santé mentale déjà c’est très important parce que c’est en lien avec le développement du bien-être de chacun. Ça évoque aussi les différents stress, les points positifs aussi.
Et ça serait quoi pour toi les points positifs d’une bonne santé mentale ?
Ça serait le sport, de travailler, pour moi. C’est un point de vue personnel.
Toi, c’est ce qui t’aide pour avoir une bonne santé mentale ?
Oui tout à fait. Et les amis aussi. Sortir avec les amis.
Interview de Julie
Quand je te dis santé mentale, qu’est-ce que ça t’évoque ?
Je dirais être bien dans ses baskets, pas trop stressée, pas trop prise dans les tourments de la vie. C’est un sentiment de bien-être.
Et tes trucs à toi, pour prendre soin de ta santé mentale ?
Mes petits trucs à moi... Ce que je fais ou ce que je devrais faire (rires) ?
Ce que tu fais déjà.
Prendre du temps pour moi, arriver à me poser, et à laisser tous les trucs que l’on a tout le temps à faire de côté, pour souffler. Je dirais que c’est ça. Essayer de décaler les choses, prendre du temps pour moi. Et le théâtre d’improvisation aussi, qui me fait vraiment du bien.
Et prendre du temps pour toi ça veut dire ne rien faire, pas de contrainte ?
Oui c’est ça, prendre du temps sans contrainte.
Interview de Jasmine
Ça t’évoque quoi le terme santé mentale ?
Santé mentale ? Et bien c’est qu’il y a beaucoup de gens qui sont en burn-out, qui sont fatigués.
Donc plutôt dans l’aspect négatif de la santé mentale ?
Oui, comme des traumas, et je ne parle pas des petits traumas, mais des traumas de longues dates. Des traumas ça peut être dans le quotidien aussi. Et puis tout ce qui est en lien avec des souvenirs lointains, des souvenirs d’enfance. Des fois c’est des odeurs, des fois des paroles qui te rappellent des choses.
Des choses plutôt négatives tu dirais ? Ou aussi positives ?
Ça peut être dans le positif aussi, car par exemple une bonne odeur de gâteau, ça te rappelle que c’était bien. Après s'il y a des phrases assassines ça peut jouer négativement.
Par contre moi qu’est-ce qui m’aide ? Et bien ce qui m’aide c’est la danse.
Qu’est-ce que tu fais comme danse ?
Je fais de la danse contemporaine, je fais de la danse en groupe et je fais de la dance seule (rires). Je danse jusqu’à 6 heures par semaine. Et quand je suis à la danse, je ne pense à rien du tout. C'est comme ce matin avec le yoga du rire, c’est mon moment et là plus rien ne me traverse, et il n’y a que ça qui m’apaise.
C’est vraiment là tu es dans le moment présent.
Dans le moment présent, justement pour ne pas penser au passé et pour pas me dire qu’est-ce que je vais devenir dans le futur. Donc c’est vraiment le moment présent.
Est-ce que tu penses que la santé mentale ça concerne tout le monde ?
Oui, parce qu’il y a des gens qui pensent qu’ils ne feront jamais de burn-out, de dépression, qu’ils n’auront jamais de traumatisme. Je ne sais pas si c’est bien de ne pas avoir d’épreuves. Ceux qui n’en ont pas, ils ne cherchent pas à aider les autres. Moi j’ai eu des parcours très difficiles, et quand il y a besoin d’aide, quand il y a besoin d’aller vers les autres...
Ça a développé ton altruisme.
Oui c’est ça.
Il faut ouvrir son esprit. Moi je suis pour la découverte. Les voyages, s’ouvrir à d’autres cultures...[...]
Interview d’Hélène
Quand je te dis santé mentale, ça t’évoque quoi ?
Le bien-être, se sentir bien dans sa peau.
Et toi justement, pour prendre soin de ta santé mentale, est-ce que tu as des stratégies, des choses particulières que tu fais ?
Penser...alors c’est pas vraiment pour moi, mais oui... penser aux autres, ça me fait du bien. Sinon se faire des bons plaisirs.
Comme quoi par exemple ?
Comme tout bêtement de la gourmandise... tout bêtement faire de l’aquarelle, regarder un reportage qui me fait m’évader et penser à autre chose. Sortir aussi... et chanter. Parce que je fais partie d’une chorale, et donc c’est un pur moment de plaisir. Et là on se laisse guider par le chant, et le plaisir de chanter avec les autres.
Donc il y a le partage et le plaisir aussi pour soi.
Exactement... quand on sort d’une grande répétition de trois heures de travail, je dis de travail mais c’est en même temps du plaisir, après on se sent vraiment très très bien. La musique oui c’est important. C’est un exemple...
Interview de Sophie
Première question, qu’est-ce que ça t’évoque la santé mentale ?
... Ce qui me vient en tête, c’est ce qui se passe dans notre tête... La rumination, le blocage des émotions, le fait d’être détaché(e) de son vrai soi, ou de son vrai moi, je ne sais pas trop comment dire... De ne pas forcément avoir la capacité de ressentir les choses... sans peut être exacerber aussi nos émotions. Ça peut soit être coupé(e) de nos émotions mais ça peut aussi être dans les pleurs, dans la tristesse. Dans des émotions plutôt négatives, et des difficultés à aller chercher... A partir du moment où on n’arrive plus à rire, peut-être à ce moment-là s’interroger... Ou quand on rumine trop faut s’interroger sur notre santé mentale, pour moi c’est ça.
Ton constat finalement c’est quand la santé mentale ne va pas, voilà toutes conséquences qu’il peut y avoir.
Oui c’est ça. Et prendre soin de sa santé après...
Alors justement (rires) c’est ma deuxième question. Toi qu’elles sont les choses que tu fais pour prendre soin de ta santé mentale ?
Eh bien, quand j’ai créé les Pas de So en 2015, c’est parce que je suis allée marcher toute seule. Et j’ai pris soin de ma santé mentale, parce qu’elle était mise à mal, et j’ai trouvé ça comme remède pour ne pas prendre de médicaments. Et après il y a eu l’accompagnement thérapeutique, que j’ai entrepris. Mais pour moi ça a été le fait d’aller marcher et puis de construire ce projet... Pour pleins de raisons, ce n’était pas anodin. J’ai créé les Pas de So car je me disais... c’est mon mental qui va mal suite à différents chaos de la vie, et c’est ce qui m’a permis de me retrouver et de me dire que j’étais une belle personne (rire). Pour prendre les mots de Céline (intervenante au yoga du rire) se remercier !
Ça a joué sur ta confiance en toi, ton estime de toi.
Oui exactement... exactement.
Interview de Lucie
Qu’est-ce que ça t’évoque le terme santé mentale ?
Trouble (rire), moi comme je suis concernée c’est les troubles.
Pour toi, c’est plutôt quand la santé mentale ne va pas bien ?
Non ce n’est pas ça. Non... C’est ... Tu vois c’est venu spontanément donc... bon là j’essaye de composer...
Rires. De composer à partir de ça.
Voilà. Oui... C’est trouble parce que, tu vois là je viens spécialement pour plein de chose aujourd’hui, mais particulièrement parce que les Pas de So vont donner de l’argent pour la déstigmatisation de la santé mentale. Et en fait, moi j’en vois tous les jours de ça. Je suis bipolaire, et alors même à la télé ils racontent des conneries, à 21h...
Et alors toi tu entends quoi à propos de la bipolarité ?
Alors ma sœur qui est médecin, et là il y a un problème, elle me dit : toi de toute façon tu es folle. Et tant que tu ne seras pas redevenue “normale”, on ne sait pas bien ce que ça veut dire mais bon, nous ne pourrons pas avoir des relations normales de sœur à sœur. De toute façon, voilà, quand tu es bipolaire, de toute façon Lucie qu’est-ce qu’elle est, elle est bipolaire, donc des fois elle est perchée, des fois elle est dépressive. Donc ça, ça ne veut pas non plus car moi je suis avant tout une personne ! Tu vois ?
Donc du coup les gens peuvent réduire la personne à des symptômes au lieu de la voir comme une personne à part entière.
Oui, oui voilà. Et ma fille...ma gamine (émue), elle a cherché partout comment m’aider. Elle s’est dit quand même à Caen, une grande ville comme Caen... capitale culturelle de Basse-Normandie, il y a forcément quelque chose. Et ma gamine pendant un an et demi, elle a remué ciel et terre sans me le dire. Et elle a fait les groupes de parole pour aidants familiaux. Et en fait un jour, elle est venue manger à la maison comme souvent, et puis elle me dit tiens maman voilà plein de documents sur la bipolarité qu’elle avait pris là-bas. Et elle m’a dit et on a rendez-vous là-bas tel jour telle heure. Et en fait j’en avais les larmes aux yeux. Ma gamine, de 26 ans... Et tu vois je me suis mise en route. J’aurais très bien pu dire “mais non, c’est quoi ces conneries, je suis déjà assez occupée comme ça”, et en fait, non j’ai accepté. Et je t’assure, ça c’était en février, et depuis avril moi j’ai avancé aussi. J’ai été bipolaire pendant 3 ans, c’est-à-dire que des phases hautes que des phases basses, un petit peu au milieu, mais que 6 mois où j’allais bien. Là, je me suis dit il y a un problème. Et donc... Voilà je me suis mise en route. Comme je suis en route sur mon problème, et c’est ma priorité aujourd’hui d’arriver vers le rétablissement personnel, et bien tout tombe, j’ai plein de cadeaux.
Et bien justement ça me fait mon lien entre guillemets, vers ma deuxième question : c’est quoi tes trucs actuellement pour prendre soin de ta santé mentale ?
Je suis croyante. Je suis émue. Et en fait, c’est plein de chose. La spiritualité, de belles personnes que je rencontre. Et tout ça cela m’a mise en route. Au début sur le service c’était difficile. Je suis venue deux fois avec ma fille. Après je suis tombée en phase basse en juin. Et Cécile et Chloë (deux professionnelles du service ndla) elles m’ont dit « tu ne peux pas venir Lucie ? Et bien on vient. » Moi j’ai trouvé ça extraordinaire. C’est toute la bienveillance qu’il y a chez vous, la compassion, l’écoute, la gentillesse, la douceur...
Donc tu t’es nourri de ça ?
Oui, et maintenant je me nourris de ça.
Interview de François
Quand on vous dit « Santé mentale » qu’est-ce que ça vous évoque ?
Ça évoque beaucoup de choses. D’abord le repos et puis la bienveillance, mais aussi toutes les problématiques, les maladies qui peuvent exister. Et dont on ignore beaucoup d’ailleurs l’origine et qu’on ne soupçonne pas toujours précisément quand on est en dehors de ce sujet. On découvre qu’il y a beaucoup d’origines et beaucoup de problèmes qui se posent à nos voisins, à nous-même peut-être aussi. Sans que l’on soit précisément bien au courant de ce qui se passe.
Est-ce que vous, vous vous sentez concerné par la santé mentale ?
Oui, peut-être, peut-être… (rires)
Peut-être (rires), vous avez raison.
Non, je pense que non mais… pourquoi pas. Quand on a des soucis, quand on a vécu des soucis ça peut provoquer aussi des problèmes de santé, de réflexion et de bienveillance.
Peut être plutôt aspect santé mentale quand il y a des difficultés, c’est ça que vous voulez dire ?
Oui, oui…
Est-ce que vous pensez que finalement on peut aussi avoir une bonne santé mentale ?
On peut avoir une bonne santé mentale. Il faut … en s’entretenant bien, en réagissant, en rencontrant du monde, en ayant de l’activité sans rester enfermé dans son petit monde, oui.
C’est ce que vous faites pour essayer de prendre soin de votre santé mentale ?
C’est ce que j’essaye de faire.